Faire ses croissants soi même n’est pas une tâche aisée, surtout sans avoir vu les bons gestes d’un professionnel. Après 8 mois de formation en CAP Pâtissier, les miens ne sont toujours pas parfaits, d’autant plus lorsque je les réalise à la maison sans le matériel professionnel que j’avais en formation. En effet, pour faire de beaux croissants il faut certes les bons gestes et la bonne technique, mais il faut aussi un bon robot pâtissier pour pétrir et un laminoir.

A la maison, je suis équipée du robot Kitchenaid qui me satisfait presque pleinement, je dis presque car le crochet pétrisseur n’est à mes yeux pas à la hauteur pour pétrir correctement : contrairement aux robots professionnels qui ont un crochet en forme de tire bouchon ou queue de cochon, qui permet de pétrir uniformément, celui du Kitchenaid a une espèce de forme en C, qui ne permet pas de ramasser et mélanger de façon homogène toute la pâte. Du coup, je pétris longtemps avant d’obtenir une pâte lisse et élastique : or ce n’est pas bon pour la pâte qui ne doit surtout pas surchauffer au risque d’obtenir un croissant à texture briochée, alors que pour être réussi un croissant doit être bien alvéolé.  C’est vraiment le seul point négatif de ce robot, je tiens à le dire, car pour tout le reste et pour un usage domestique, il est absolument parfait.

Autre matériel indispensable à la réussite de beaux croissants : le laminoir. Il permet d’étaler la pâte à 4mm de façon uniforme et très très rapidement : du coup, la pâte n’a pas le temps de réchauffer et les croissants peuvent être façonnés facilement et rapidement. A la maison, évidemment pas de laminoir, donc il faut se débrouiller sans, et là c’est le début des ennuis : la pâte doit être très froide pour ne pas que le beurre qui se trouve à l’intérieur ne fonde et que le feuilletage soit détruit, il faut donc aller très rapidement pour étaler la pâte, or à la main, une pâte froide n’est pas facile à étaler….vous me suivez ??
Chez vous à la maison, il faudra donc jongler avec le froid, en remettant la pâte quelques minutes au congélateur dès qu’elle commence à réchauffer.

La pâte à croissants s’appelle la pâte levée feuilletée ou PLF ; levée car on y ajoute de la levure de boulanger et feuilletée car on y ajoute du beurre de tourage (beurre sec) par couches successives pour former un feuilletage, comme pour la pâte feuilletée. Cette pâte sert à confectionner des croissants mais aussi entre autres les petits pains au chocolat, escargots aux raisins ou au chocolat, oranais ou encore les lunettes au flan.
Voici donc la recette de la PLF, détaillée pas à pas, tel qu’on nous l’a appris pendant ma formation au CAP Pâtissier. Je vous expliquerai au fur et à mesure les termes techniques utilisés.
Si vous ne la réussissez pas du premier coup, voir du 2e ou du 3e, ne vous découragez pas, c’est une technique qui ne s’acquiert pas rapidement d’autant plus à la maison sans un professionnel à vos côtés pour vous dire ce qui va ou ne va pas, et qui nécessite précision, entraînement et persévérance.

TEMPS DE PRÉPARATION
1 h
TEMPS DE CUISSON
15 à 20 mn
TEMPS DE REPOS
4 h

Ingrédients pour 16 croissants :

20g de levure de boulanger fraîche (en cube)
500g de farine T55
10g de sel
60g de sucre
50g de beurre
+/- 275g de lait
250g de beurre de tourage ​​​​*

Dorure :
1 œuf
Une pincée de sel
Une pincée de sucre
Un peu d’eau

*beurre sec à 84% de matière grasse.
On le trouve généralement dans les magasins professionnels comme Metro. Si vous ne pouvez pas vous en procurer, vous pouvez également réaliser ce qu’on appelle un beurre manié, travaillé avec de la farine. Je n’ai jamais réalisé de beurre manié, donc je vous mets le lien vers le site de Chef Simon, qui partage sa technique détaillée sur son site : cliquez ici pour y accéder)

 

PREPARATION DE LA DETREMPE A CROISSANTS OU PÂTON (détrempe = pâte de base)
Préparez et pesez tous les ingrédients.
Dans la cuve de votre robot, placez dans l’ordre un peu de lait, la levure émiettée, puis la farine, le sucre, le sel* et les 50g de beurre.
*Le sel ne doit jamais être en contact direct avec la levure car il la tue.
Les 50g de beurre ajoutés dans la pâte permettent de travailler plus facilement le pâton au moment du tourage (tourer = plier le pâton - dans lequel on aura ajouté préalablement le beurre de tourage - en trois ou en quatre après l’avoir allongé, pour ainsi former les différentes couches de feuilletage).

Placez le crochet de pétrissage et commencez à pétrir en vitesse 1, en ajoutant en deux ou trois fois le reste du lait**.
**Le lait vient hydrater la pâte, il faut donc maitriser sa quantité pour qu’elle soit ni trop sèche ni trop humide. Pour cela on ajoute un peu de lait au fond du bol pour aider au mélange puis on met en route le robot, on ajoute doucement le reste du lait dès le début du frasage (frasage = première étape du pétrissage) et on vérifie la texture avant d’ajouter l’intégralité (plus ou moins 275g), là vous êtes le seul juge. Attention : si votre pâton est trop humide, le temps de pétrissage devra être allongé.

Pétrir en vitesse 1 pendant environ 4 minutes en surveillant.
Puis passez en vitesse 2 pendant environ 7 minutes 30. (attention, si la pâte chauffe trop, selon les robots, redescendez en vitesse 1).

Le pâton est prêt lorsque la pâte est lisse et qu’elle se décolle du fond de la cuve, le réseau glutineux commence alors à se former : pour le vérifier, vous pouvez prélever un tout petit morceau de pâte et l’étirer entre vos doigts, si vous arrivez facilement à l’étirer sans qu’elle se casse et que vous pouvez presque voir à travers, c’est tout bon, votre pâton est prêt !
Sinon, continuez à pétrir encore un peu mais ne dépassez jamais la vitesse 2 au risque de surchauffer la pâte. La détrempe ne doit jamais chauffer, car cela lui donne une texture briochée, preuve de croissants ratés (les connaisseurs vous démasqueront !).

Une fois le pâton prêt, filmez le (film étirable) et laissez le reposer à température ambiante pendant 45 minutes environ, température idéale de fermentation : 22-24°C.
(En pâtisserie on utilise ce qu’on appelle une chambre de pousse ; la température et l’hygrométrie maîtrisées permettent une fermentation idéale de la pâte)

Dès que la pâte commence à gonfler, environ 45 minutes après le début du repos, dégazez la c’est à dire, enlevez le film et appuyer légèrement avec vos mains pour chasser l’air. Ne la pliez surtout pas, donnez lui une forme carrée en appuyant avec vos doigts, filmez ce carré de pâte puis placez le au congélateur quelques minutes, juste le temps de bien refroidir la pâte.
En effet, pour pouvoir procéder au tourage, le pâton doit avoir la même texture que le beurre de tourage : bien froid, mais pas trop dur non plus au risque de déchirer la pâte. Il faut donc surveiller votre pâton : après 15 minutes au froid négatif, vérifier sa texture, si elle est trop molle laissez quelques minutes de plus.

TOURAGE
Cette opération va permettre de créer des couches successives de beurre et de pâte, qui à la cuisson, grâce à la vapeur produite, vont se décoller et permettre d’obtenir un beau feuilletage, si le tourage a bien été fait évidemment !

Préparez votre beurre de tourage : coupez 250g en rectangle, et tapez le sur votre plan de travail à l’aide de votre rouleau à pâtisserie sur toute la surface pour l’assouplir et l’allonger légèrement.

Sortez votre pâton du congélateur, fleurez* (*=fariner en fine pluie) votre plan de travail et étalez légèrement la pâte comme sur le schéma ci dessous (en rectangle, avec une partie au centre plus épaisse et les deux extrémités plus fines) et enchâssez le beurre : posez le au centre, puis enfermez le en rabattant les deux extrémités de la pâte par dessus. Soudez le dessus et les deux côtés en appuyant avec le rouleau à pâtisserie (pas trop fort pour ne pas écraser le beurre).

Placez ensuite votre pâte côté soudé face à vous (c’est à dire avec la soudure du dessus dans le sens vertical), vous me suivez ?
​​​​​​Commencez alors à étaler au rouleau à pâtisserie jusqu’à obtenir une bande régulière et pas trop large d’environ 50-60cm de long. 
On va lui donner ce qu’on appelle des tours doubles : deux tours doubles - c’est la technique que j’utilise - en pliant à un tiers sur une partie et deux tiers sur l’autre : pour que le beurre soit mieux réparti, puis en repliant encore une fois en deux (avant cela n’oubliez pas de balayer le surplus de farine sur votre pâte, avec un pinceau ou une balayette réservée à cette effet).

Une fois cette opération faite, on va la renouveler une seconde fois. Pour cela tournez votre pâte d’un quart de tour pour avoir le côté ouvert sur votre droite, comme si c’était un livre et que vous vouliez le lire.
Fleurez votre plan de travail et le dessus de la pâte, recommencez alors à étaler à environ 80cm de long, et repliez à nouveau comme précédemment.
Vous avez effectué 2 tours doubles, bravo, vous pouvez filmer votre pâte au contact et la placer au réfrigérateur pendant 1h environ pour que le feuilletage repose.

Lorsque la pâte est assez froide (si besoin placez la quelques minutes au froid négatif -> congélateur), étalez la au rouleau à pâtisserie, il faut obtenir un rectangle d’environ 50 x 40cm - comme expliqué en introduction, le laminoir professionnel permet d’étaler la pâte de façon régulière très rapidement à 4mm, épaisseur souhaitée pour les croissants, malheureusement à la maison il faut faire sans, donc armez vous de votre rouleau et étalez le plus rapidement possible votre pâte pour ne pas qu’elle réchauffe et se rétracte.

A l’aide d’un couteau Chef bien aiguisé, parez (coupez) légèrement les extrémités gauche et droite du rectangle (1) pour que les bords soient bien nets et qu’on voit apparaître les jolies couches de feuilletage.
Coupez ensuite votre rectangle en deux dans le sens de la longueur (2), puis coupez le en quatre dans le sens de la hauteur, ce qui va vous permettre d’obtenir 8 rectangles (3).
Coupez ensuite vos 8 rectangles en diagonale pour obtenir 16 triangles, comme indiqué sur le schéma (4). Vous me suivez toujours ? 

Une fois vos 16 triangles prêts, c’est le moment de façonner vos croissants. Si votre pâte est encore assez froide, vous pouvez continuer sinon placez les triangles bien à plat sur une plaque recouverte de papier cuisson (ils ne doivent pas se toucher) au congélateur juste 2 à 3 minutes, le temps que les couches de beurre refroidissent.

FACONNAGE DES CROISSANTS
Prenez un triangle, étirez le pour qu’il ait une forme de triangle isocèle (les deux côtés de même longueur). Donnez une petite entaille d’environ 1 cm au centre de la base (1), puis roulez le (2) et rabattez les extrémités (3) pour lui donner une forme de croissant de lune.

La pointe du croissant doit pointer vers l’extérieur et placée bien en dessous pour ne pas qu’il s’ouvre à la cuisson.
Procédez de même avec les 15 autres triangles.
Placez les croissants crus sur des plaques recouvertes de papier cuisson, pas trop proches, l’idéal : 6 croissants par plaque, il vous en faudra donc trois. (évidemment en pâtisserie les plaques sont bien plus grandes et on arrive à faire tenir les 16 croissants sur 2 plaques).

Dorez les croissants.
​​​​​​Pour la dorure, mélangez un œuf entier avec une pincée de sel, une pincée de sucre, et un tout petit peu d’eau et badigeonnez à l’aide d’un pinceau juste le dessus des croissants en évitant d’en mettre sur les couches de feuilletage et en évitant également de faire couler la dorure sur la plaque, pour cela essorez bien le pinceau (la dorure qui coule empêche le bon développement du feuilletage).

Faites ensuite reposer les croissants dorés pendant environ 2h à température ambiante (c’est ce qu’on appelle l’apprêt, 2e phase de fermentation). Ils vont doubler de volume.

Si comme moi vous les préparez la veille pour le lendemain matin, vous pouvez les placer au réfrigérateur toute la nuit, pour ralentir voir stopper la fermentation***, puis les ressortir à température ambiante le lendemain matin pendant 2h avant de les cuire.

***tout dépend de la température qu’il y a dans votre réfrigérateur, puis elle est basse plus la fermentation sera ralentie voir stoppée.

CUISSON
Lorsqu’ils ont doublé de volume, préchauffez votre four à 170°C (chaleur tournante). Selon les fours, la température peut varier légèrement, adaptez vous à votre four !
Enfournez les croissants pour 15 à 20mn, sans ouvrir la porte du four pendant la cuisson.
La vapeur produite va séparer les différentes couches de feuilletage et les croissants vont tripler de volume.

Attendez qu’ils refroidissent un peu avant de les consommer, un croissant trop chaud devient vite indigeste.


J’espère avoir été assez claire dans mes explications, si vous avez un doute ou des questions, n’hésitez pas à me contacter par mail ou via les réseaux sociaux, j’essayerai de vous répondre rapidement.
Et surtout, envoyez moi des photos de vos croissants, même s’ils ne sont pas toujours jolis, c’est en faisant des erreurs qu’on apprend !